DAMAGE IS GOOD | EN
The use of saturated and violent colors, overflowing paint and the deformation of matter are some of the elegant possibilities offered by the work of Philippe Zumstein as a means for breaking away from the canvas as an object. His first paintings, the Fat paintings, contained so much liquid paint beneath their surface that they seemed ready to explode at any moment. His more recent works, the Crash paintings, bear the stigmata of an accident. These works share a formal efficiency and a plastic refinement.
The artist questions the age we live in through our intimidating fascination for the design object which we sometimes hesitate to handle. He does so by adding a fault to his objects that reveal their fragility. The destiny of the object, condemned to beauty, is here united with the individual’s destiny. Below the object’s smooth and perfect appearance a chaotic truth lies buried; we cannot disregard it for long. Indeed, everything is destined to vanish but, prior to the final crash, we must create the illusion that this is not so. Customizing our cell phones and cars is not unlike exercising with the goal of maintaining our bodies in shape.
The accident exposes real identity. Before crashing into a wall, the racing car of Ayrton Senna, was pure speed: it revealed itself as matter. This materiality in the works of Zumstein, is held at a distance through the use of reflecting surfaces and sophisticated and changing colors obtained by polyurethane paint. The deformation that the artist inflicts onto the matter used in his works, whether it is the paint of his Fat paintings or the reflective surfaces of his later works, faintly resonates with a certain concept of beauty. At the same time, it is the accident that deforms the reflecting surfaces and provides them with relief, thus capturing the space between their folds, determining and directing their shape. The surface is also the point of contact between the artist and the technique, since the artist creates or prints the accident directly onto the matter. The Fat paintings presaged an accident. In the Crash paintings, it is both the artist that deforms and gives relief to the matter while he increases the power of an element that is external to the work, namely light. The latter captures the space within the folds and gives personality to the shapes created. It erotizes the surface and playfully creates a dialogue with the spectator who perceives his own reflection.
The formal independence gained by modernist painting, since the Black paintings of Frank Stella up to the wrinkled canvases of Steven Parrino, via the monochrome palette and the Neo-Geo movement, has not served to make its presence on a wall less uncertain since it provides more questions than answers. Indeed, since modernist painting no longer evokes an elsewhere ( representation of the world, natural forces, etc.), everything about it points to the here and now. To this material presence, Phillipe Zumstein adds to his works a visual seductiveness, an unresolved formality and, sometimes, a seductive sense of vertigo. His works both reflect their environment and protect themselves from it, all the while bearing silent and questioning witness.
Gauthier Huber
Curator
DAMAGE IS GOOD | FR
Saturation et violence des couleurs, trop-plein, déformations de la matière…Le travail de Philippe Zumstein évoque avec élégance certaines possibilités de rupture du tableau en tant qu’objet. Ses premières oeuvres, les Fat paintings, contenaient tant de peinture liquide sous leur enveloppe qu’elles semblaient sur le point d’éclater. Ses œuvres plus récentes, les Crash paintings, portent les stigmates d’un accident. Leur point commun ? Economie formelle et raffinement plastique.
L’artiste interroge notre époque à travers la fascination intimidante de l’objet design, que l’on hésite parfois à manipuler, en intégrant dans ses artefacts une faille qui en souligne la fragilité. Le destin de l’objet, condamné à la beauté, rejoint ici celui de l’individu. Sous l’apparence lisse, parfaite, se cache une même vérité chaotique, une même faille que l’on ne peut ignorer trop longtemps. Tout est voué à disparaître, certes. Mais avant le crash final, il faut faire illusion ; customiser son portable ou sa voiture, c’est un peu le prolongement du fitness visant à customiser son corps.
L’accident est ce qui révèle l’identité. Avant de s’écraser contre un mur, le bolide d’Ayrton Senna n’était que vitesse pure : il se révèle matière. Cette matérialité, dans les œuvres de Zumstein, est mise à distance par la fascination des surfaces réfléchissantes, des couleurs sophistiquées et changeantes obtenues grâce à la peinture polyuréthane. Les déformations que Philippe Zumstein inflige aux matériaux constituant ses œuvres, que ce soit la peinture dans les Fat paintings ou les surfaces miroitantes de ses derniers travaux, offrent un lointain écho à une certaine conception de la beauté. Il est à la fois ce qui déforme les surfaces réfléchissantes et ce qui leur donne du relief, capturant ainsi l’espace dans leurs plis, donnant une direction et une certaine détermination à la forme. Il est aussi le point de contact entre l’artiste et la technique, puisque c’est lui qui crée ou imprime l’accident directement dans la matière. Les Fat paintings portaient en elles un accident en devenir. Dans les Crash paintings, il est à la fois ce qui déforme et donne du relief à la matière, augmentant le pouvoir d’un agent externe à l’œuvre : la lumière. Son action est de capturer l’espace dans ses plis, de donner une personnalité à la forme. Elle érotise les surfaces, joue avec elles en intégrant le spectateur, qui s’y reflète.
L’autonomie formelle de la peinture moderniste, depuis les Black paintings de Frank Stella jusqu’aux toiles froissées de Steven Parrino, en passant par le monochrome et le néo-géo, n’en rend leur présence sur le mur que plus questionnante. En effet, comme elle n’ouvrent plus sur un ailleurs (représentation du monde, des forces naturelles, etc.), tout en elles renvoie à l’ici et maintenant. A cette présence matérielle, les œuvres de Zumstein ajoutent une séduction rétinienne, une irrésolution formelle, et, parfois, un séduisant vertige. Elles se reflètent et se protègent à la fois de leur environnement, dont elles sont les témoins muets et questionnants.
Gauthier Huber
Curateur